Le Banc D’essai : Rolex Daytona vs Omega Speedmaster Céramique
Le monde avance rapidement. La star de la pop pour enfants, Justin Bieber, a maintenant plus de vingt ans, l'iPhone a plus de dix ans et Barack Obama n’est plus le Président depuis plus d'un an. Pour les marques de luxe, il est de plus en plus important de rester pertinent et au goût du jour. Ainsi, quand Rolex, une marque synonyme d’évolution et de révolution, prend son temps pour donner au public ce dont il a envie, les autres marques ont la possibilité de se rattraper. Mais n’est-ce pas déjà le cas ?
Voir 'Rolex Cosmograph Daytona 116500 LN vs Omega Speedmaster Moonwatch Dark Side of the Moon 311.92.44.51.01.005' avec les sous-titres en français.
Après l’introduction de la lunette en céramique sur la Rolex GMT-Master II 2005, soit deux ans avant le lancement du tout premier iPhone, il a fallu plus de 10 ans à cette technologie de matériau pour intégrer la gamme de chronographes phare de la marque. C’est lent, même selon les standards de Rolex, d’autant plus que la céramique est utilisée dans l’horlogerie depuis les années soixante.
Voici ce qu’il faut néanmoins comprendre : en 2005, la Rolex Daytona était la montre la plus en vogue du marché. Plus que la Nautilus de Patek Philippe, et bien plus que la nouvelle GMT-Master II céramique. Les listes d'attente de la 116520 s'étalaient sur des mois, voire des années, les prix d’occasion grimpant en flèche avec la demande. La 116520 Daytona a été lancée en 2000 à un prix autour de 5 000 £. Lorsqu’elle fut arrêtée, elle s’échangeait d’occasion deux à trois fois plus cher. C’est un chamboulement que personne ne peut raisonnablement vouloir contrarier.
Mais alors que les finances de Rolex comptaient sur leur bonne étoile, voyant enfin un retour sur investissement pour un modèle qui, pour la première fois en un demi-siècle, avait enfin réussi à leur rapporter de l’argent, il y avait pourtant une ombre au tableau. Lorsque le quartz frappa dans les années 70, l’horlogerie mécanique perdit sa première place, et l’industrie tout entière avait besoin d’être repensée. Audemars Piguet avait la solution : si les montres mécaniques n'étaient plus indispensables, il fallait qu’elles deviennent désirables.
C'est quelque chose que Rolex a très vite compris. Alors que d'autres horlogers tentaient sans cesse de se révolutionner et de rester pertinents, Rolex adoptait quelque chose qui, finalement, est devenu le cœur d’image que les horlogers de luxe adoptèrent : l’héritage. C’est amusant, parce que des marques comme Omega et Breitling ont, sur le papier, des histoires bien plus étoffées que celle de Rolex, mais dans le massacre industriel qu’engendra la crise du quartz, ces marques sacrifièrent le passé pour tenter de se focaliser sur l’avenir. À l'époque, personne ne pouvait dire ce qui allait être payant et ce qui n'allait pas l’être ; le recul est une chose merveilleuse.
Mais des leçons ont été apprises et le temps a fait son œuvre. C’est une époque différente. Les montres mécaniques sont considérées comme un produit de luxe depuis assez longtemps pour que l’héritage ne fasse pas tout. C’est pourquoi, alors que Rolex annonçait qu’elle transformerait la lunette en acier de la Daytona en céramique, Omega porterait cette vision à un tout autre niveau. C'est l’Omega Speedmaster « Dark Side of the Moon » qui gronde au loin.
Petit rattrapage : qu'est-ce que la céramique ? Dit simplement, c’est un solide non organique, non métallique créé par la chaleur. Les Grecs l'appelaient keramikos d'après leur propre mot, keramos, qui signifie poterie. Contrairement à la croyance populaire, la poterie est en réalité le nom collectif des matériaux céramiques à base d’argile. Elle a été utilisée de cette manière pendant des dizaines de milliers d’années. Le plus ancien exemple connu, une figurine datant de 30 000 ans et appelée La Vénus de Dolní Vestonice, existe encore aujourd'hui. C’est un matériau solide, et c’est pourquoi, dans les années 1940, les scientifiques se sont tournés vers ce qu’ils appelaient la « céramique technique ».
Le résultat était le dioxyde de zirconium, ZrO2. Vous connaissez peut-être sa forme cristalline cubique sous forme de zircone cubique, semblable au diamant. Avec la chaleur, la structure du dioxyde de zirconium est ordonnée, donnant naissance à une céramique opaque qui, au cours de la dernière décennie, est devenue un incontournable de l’horlogerie. Pourquoi ? Pour sa dureté. Il est utilisé pour les roulements, les lames de couteaux et même les prothèses dentaires. Il présente un robuste score de 8,5 sur l'échelle des mohs, soit le double de celui de l'acier, une fraction de moins que le saphir et le diamant. Il est léger, résistant aux rayures et à la décoloration.
Omega est allé beaucoup plus loin que Rolex en faveur du dioxyde de zirconium. La Dark Side of the Moon a une lunette en céramique comme la Daytona, ainsi qu’un boîtier en céramique. Rien de fou ici, les boîtiers en céramique ne sont pas une nouveauté. Rado, IWC et beaucoup d’autres le font depuis des siècles, mais il y a un plus. Les poussoirs sont en céramique. La couronne aussi, et même le cadran, abrité sous une couche de saphir, est en céramique, ici tout en noir.
Côte à côte, l’acier 904L de Rolex semble plutôt banal. Seulement 500 £ séparent les deux montres, et sur le papier au moins, l’Oméga offre plus pour ce prix. Ajoutez à cela l’échappement coaxial, pratiquement sans friction, avec balance à silicium antimagnétique à ressort libre du calibre 9300, et la liste de spécifications de la Speedmaster semble vraiment briller. Il semblerait qu’Omega n’ait pas seulement rattrapé Rolex, mais qu’elle l’ait dépassé.
Mais ce n’est pas si simple. Le calibre 4130 de Rolex n’est peut-être pas visible derrière une grande fenêtre en saphir brillant, mais cela ne veut pas dire que cela ne vaut pas la peine d'être vu. Le 9300 d’Omega dispose de deux barillets pour une réserve d’énergie de 60 heures, mais la Rolex tourne en silence pendant 72 heures, malgré une épaisseur et un diamètre inférieur de près de 5mm. Le modèle 4130 de Rolex témoigne donc de sa compacité. Et tandis qu'Omega prolonge les intervalles de service des montres coaxiales à 6–8 ans, Rolex nous informe discrètement que le client typique de Rolex attend 10 ans avant de faire rafraîchir sa montre. En réalité, le calibre 4130 mérite une vue à part.
Omega est revenu de très loin au cours de la dernière décennie. C’est un retour miraculeux pour une entreprise qui a failli disparaître, et qui commence vraiment à prendre son nouvel envol. Elle n’a peut-être pas encore approché Rolex, mais elle offre une certaine concurrence sérieuse, qui correspond et même surpasse Rolex à certains égards. Après la crise du quartz, Rolex a peut-être eu le dessus sur tout le monde, mais cet avantage s’est érodé de jour en jour - et il ne peut durer éternellement. Est-ce que la prochaine décennie, alors que Bieber entrera dans la trentaine, verra un changement de niveau ? Attendons de voir.