Banc D’essai: Bulgari Octo Finissimo Automatique
On dit de quelque chose de précieux qu’il vaut son pesant d'or, et quand il s’agit d’horlogerie, il y a beaucoup à dire autour du poids. Là-dessus, étant donné que - et malgré le fait que son bracelet soit entièrement intégré et qu’elle coûte la modique somme de 12 000 £ - la Bulgari Octo Finissimo Automatic, , ne pèse que 73 grammes - moins qu’un sac de Doritos – elle pourrait bien être, la plus mauvaise montre de valeur dans le monde en terme de prix.
Penser à Bulgari ne donne pas automatiquement l’image d’un bon horloger, la marque italienne ayant passé une grande partie de ses 135 années d’existence à concentrer ses efforts dans la joaillerie. Certaines montres furent produites çà et là, mais rien de vraiment notoire. Si la marque voulait être prise au sérieux en tant qu'horloger, il fallait qu'elle-même prenne l'horlogerie au sérieux
Ainsi, en 2010, le savoir-faire de deux hommes fut mis à contribution, à savoir Daniel Roth et Gérald Genta. Les noms vous sont peut-être familiers; Roth donna une seconde jeunesse à Breguet et Lemania dans les années 1990, Genta fit de même pour Audemars Piguet et Patek Philippe dans les années 1970. Il existe un lien évident entre ces deux hommes, et c’est la capacité de prendre une ancienne marque horlogère alors en souffrance, et de rendre ses montres à nouveau spéciales et désirables. Cela sera pourtant avec Bulgari leur plus grand défi.
Mais Roth et Genta n’étaient pas des hommes d’affaires de carrière; Leur expertise n’était pas dans le marketing, ni dans les ventes internationales, ou quelque chose comme ça. Ils étaient des créateurs purs, les esprits d'où viendrait l'avenir de l'horlogerie façon Bulgari. Ces deux hommes avaient des dessins originaux qui, grâce à leur flamboyance, étaient facilement transposables dans la collection très italienne de Bulgari - et de cette manière, Bulgari devint un horloger crédible.
Cela ne se fit pas tout d’un coup cela dit, pas vraiment, car comme tout conglomérat le sait, le simple fait d’acquérir une marque ne suffit pas à créer du succès. Bulgari devait prendre son approche de l'horlogerie encore plus au sérieux. Et quel meilleur moyen de le faire que de battre quelques records – des grands records. Ainsi, Bulgari s’est inspiré du design Octo à huit faces bien connu de Genta et l’a équipé d’un tourbillon. Mais pas n'importe quel vieux tourbillon: le plus mince du monde.
Etant donné que le tourbillon est l’un des mécanismes les plus complexes en horlogerie, le calibre du tourbillon BVL 268 mesuré avec une épaisseur de seulement 1,95 mm est franchement impressionnant. Et si le tourbillon est l’un des mécanismes les plus compliqués, la répétition minutes est de loin le plus complexe; et c’est ce que Bulgari a ensuite fait: le BVL 362 est le plus mince au monde avec seulement 3,12 mm de diamètre.
Mais les produits phares extrêmement coûteux - et ils étaient très, très chers - sont souvent considérés comme un concept, une idée de ce qu'une marque pourrait réaliser si elle s’y essayait réellement. La vraie preuve est dans le bain du grand public, les montres que les gens de moyens plus ordinaires pourraient envisager d'acheter. Et cela nous amène à cela, la Bulgari Octo Finissimo Automatic.
Alors, qu'est-ce que l'Octo Finissimo Automatic et pourquoi devrait-elle être considérée comme une digne succession dans la ligne Bulgari Octo? C’est une simple montre, qui donne seulement l’heure, pas la date; elle n’a même pas de secondes centrales, une complication moyenne qui a été abandonnée pour un sous-cadran. Le cadran lui-même est uni, orné uniquement d’une impression, sans aucun marqueur appliqué. Il n’y a pas de polissage, pas de brossage, seulement une finition utilitaire sablée aux perles sur toute la montre, le cadran et le reste. Cela donne un ensemble qui passe assez inaperçu.
Jusqu'à ce que vous la regardiez de profil, car cette montre contient le calibre BVL 138, qui a battu le record du mouvement automatique le plus plat au monde. Avec une épaisseur de seulement 2,23 mm, le BVL 138 peut s’insérer dans un boîtier d’une profondeur de 5,15 mm seulement, grâce au micro-rotor dissimulé sur un côté. Une montre automatique utilise généralement un poids articulé au centre et qui couvre le rayon de la montre; Ici, un très petit rotor est enfoncé dans le mouvement lui-même. Cela signifierait normalement que le rotor n’a pas assez de masse pour s’acquitter correctement de ses tâches, mais ici, il est entièrement fabriqué à partir de platine, ce qui lui donne le poids nécessaire pour garder la montre.
Combinez cela avec un boîtier en titane et un bracelet en titane tout aussi mince - si mince que le fermoir est en fait encastré - et vous obtenez une montre qui, pour citer Ned Flanders, "me donne l'impression de ne rien porter du tout". C'est étrange: vous voyez le morceau non négligeable de cette montre carrée, de 40 mm et son large bracelet intégré, mais la porter donne honnêtement l'impression que vous n’avez rien au poignet. Si vous avez déjà eu un petit insecte se poser à votre poignet, vous savez ce que signifie porter une Octo Finissimo Automatic.
Cela signifie que l'expérience de l'Octo Finissimo Automatic est très étrange. Nous avons l'habitude de porter des montres qui pèsent quelque chose, qui pèsent lourd, et quand une montre ne pèse quasiment rien, c'est… de la camelote. Ce n’est pourtant pas le cas, aussi bien sur la réalisation technique que sur prix de vente, mais c’est néanmoins une expérience inhabituelle qui pourrait être mal interprétée.
Mais la vérité est que Bulgari a encore innové en prenant le mouvement automatique et, quelques centaines d’années après son développement, en le poussant plus loin que jamais.
On pourrait dire à juste titre que Bulgari n’est pas un vrai horloger. L’influence et l’historique n’existent pas, c’est une marque de bijoux qui a racheté des sociétés horlogères, et rien de plus. Mais je pense que cela rend un mauvais service à Bulgari. Certes, elle a peut-être forcé son chemin dans l’industrie, mais elle a utilisé ce qu’elle a fait et l’a poussé à la limite du possible à de multiples reprises. De nombreux horlogers établis depuis longtemps se reposent sur leurs lauriers qui, après des décennies de suffisance, ne peuvent plus prétendre être aussi innovants que ce que Bulgari montre actuellement. L’Octo Finissimo Automatic peut sembler être la pire montre au monde, mais à voir sa valeur pour l’horlogerie dans son ensemble? C’est inestimable.
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